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L'héritage du christianisme face au XXIe siècle
13. L'alternative

Francis A. Schaeffer
Editions La Maison de la Bible

Jiro Tokuyama, directeur de l'Institut Nomuro, le plus grand centre de recherches multidisciplinaires du Japon, a écrit dans Newsweek: «Les religions occidentales sont basées sur des croyances en un Dieu éternel et absolu; mais les Japonais (...) n'ont pas perçu la présence d'un tel être permanent. Ils ont cru que le bien évolue avec les époques et avec les situations changeantes.» Tokuyama a compris que la vision du monde d'un peuple détermine sa morale privée et la forme de la société.

La liberté de l'individu n'est pas née d'un coup de baguette magique dans les pays qui ont été au bénéfice de la Réforme. A contrario, la disparition du consensus chrétien peut même la mettre en péril. Coupé de ses racines, le régime est incapable de fonctionner par lui-même, quel que soit le parti politique au pouvoir. Sans les principes, seul subsiste l'opportunisme à tout prix.

Les pays qui n'ont pas connu de renouveau chrétien seront les premiers à se courber devant l'autoritarisme – n'est-ce pas déjà le cas pour beaucoup d'entre eux, en Afrique et en Asie? Les hommes d'Etat occidentaux n'ont pas compris que la liberté sans le chaos n'est pas une formule exportable sans autre. Ils ont oublié qu'elle est un fruit du christianisme, inséparable de ses racines. Mais, dans les années 1950, aveuglés par leur confiance dans les progrès de la race humaine, ils ont estimé que la démocratie se développerait sur n'importe quel terreau.

Quand ces nations sans tradition démocratique se réunissent dans des enceintes internationales – où elles constituent souvent la majorité –, il est difficile d'imaginer qu'elles ne se comportent pas comme chez elles, au mépris de la charte des Nations Unies et de toutes les organisations non gouvernementales affiliées.

Nous pouvons dès lors raisonnablement nous attendre à la tyrannie au milieu des tempêtes provoquées par les bouleversements politiques.

A quelques remarquables exceptions près, les dirigeants politiques et les intellectuels des pays protestants, à l'image de la population dans son ensemble, partagent un point de vue moderne sur le monde : autonomie par rapport à Dieu et sa révélation en Christ. Leur manière de penser en termes de synthèse – et non de règles et d'absolus – est perceptible dans les gestes politiques, à l'intérieur comme à l'extérieur du pays.

La synthèse domine, dans la sphère publique comme dans la morale privée, dans le domaine des affaires étrangères comme en politique intérieure. Plus de notion fixe du bien ou du mal, seulement un mélange. S'il en va ainsi chez les intellectuels, qui ont poussé l'abandon du fondement chrétien jusqu'à sa conclusion logique, c'est tout aussi vrai pour tous ceux qui ont subi cette influence, sans réfléchir. C'est le temps du pragmatisme: faire ce qui paraît «réussir» sans prêter nulle attention aux notions établies du bien ou du mal.

En matière diplomatique comme en politique intérieure, l'opportunisme est de règle pour maintenir à tout prix les bénéfices de la paix personnelle et de l'abondance. A ce point du déclin de la pensée occidentale, les principes absolus n'ont que peu, sinon plus du tout de signification.

Dans l'euphorie des accords de Munich, le 30 septembre 1938, l'Europe baignait dans l'illusion de parvenir à «la paix pour notre génération». Mais c'était au prix de la Tchécoslovaquie et de tout le reste, livrés à Hitler. Les mots de Winston Churchill (1874–1965) à la Chambre des communes, en réponse à la signature de ces accords, prennent aujourd'hui une résonance prophétique:

Les gens doivent savoir que nous avons subi une défaite sans guerre et que ses conséquences nous accompagneront longtemps sur notre chemin; ils doivent savoir que nous avons franchi une borne terrible de notre histoire, où tout l'équilibre de l'Europe s'est trouvé perturbé, et que ces mots terrifiants ont été, pour le présent, prononcés contre les démocraties occidentales: «Tu as été pesé dans la balance, et on t'a trouvé de manque.»
Et n'allez pas croire que c'est fini.
Ce n'est que le début du règlement de compte.
Ce n'est que la première gorgée,
Le premier avant-goût d'une coupe amère
Qui nous sera présentée, année après année,
A moins que, par un sursaut ultime de santé morale et de vigueur martiale,
nous ne nous relevions pour reprendre la défense de la liberté,
comme autrefois.

Après la Seconde Guerre mondiale, on regrettera l'absence d'un dirigeant animé d'une telle vision pour avertir l'Occident d'une nouvelle défaite, la perte de la bataille morale.

La guerre terminée, 50'000 cosaques, contraints par la force au retour en Russie, furent emprisonnés et tués. Soljenitsyne, dans Le Communisme, un héritage de terreur, mentionne 1 million et demi de citoyens soviétiques renvoyés contre leur gré à Staline pour être finalement exécutés. Et, dans L'Archipel du Goulag, il demande pour quelle raison militaire ou politique ces centaines de milliers d'hommes ont été livrés entre les mains de Staline. Dans The Last Secret (1974), Nicholas Bethell rapporte les propos d'un officier supérieur de l'état-major britannique chargé de superviser le retour des cosaques: «Nous ne pouvons rien faire maintenant pour venir en aide à ces pauvres malheureux; leur destinée peut du moins nous servir de leçon.»

Les années ont passé, et il est loin d'être certain que la leçon ait été apprise. A partir de leur conception de synthèse, de pragmatisme, d'utilitarisme, sans critère du bien et du mal, les individus sont prêts à lâcher beaucoup sur l'autel de la paix et de la prospérité du moment présent. Les faibles idéals humanistes paraissent légers pour notre génération et pour la suivante. Souvenez-vous de ce petit pont romain de notre premier chapitre : s'il résistait pour le passage des hommes, il s'écroulait sous le poids d'un camion. Si les perspectives économiques demeurent toujours aussi incertaines, avec la menace de nouvelles récessions, si la crainte de perdre la paix personnelle et la prospérité se confirme, si les guerres et les bruits de guerres s'intensifient, si la violence et le terrorisme continuent leurs ravages, si la nourriture et les autres ressources naturelles se raréfient, la tendance se confirmera. Et lorsque des gens sans autres valeurs que leur tranquillité et leur confort verront ces périls s'abattre sur eux, ils seront écrasés, incapables de la moindre résistance, à l'image du petit pont cédant sous le poids d'un camion de 40 tonnes!

Compte tenu des circonstances et du cours naturel des événements, l'alternative est la suivante: l'ordre imposé ou le retour de notre société aux sources de sa liberté sans le chaos, c'est-à-dire à la révélation de Dieu dans la Bible et par le Christ. Nous avons passé en revue, tout au long de cet ouvrage, quelques-unes des conséquences de cet ordre imposé. Faut-il dès lors baisser les bras et nous soumettre? Soyons plutôt attentifs au second terme de l'alternative, et adoptons-le!

Les valeurs chrétiennes ne ressemblent pas à un utilitarisme d'ordre supérieur, à un moyen d'atteindre un objectif. Le message biblique est vérité. Il exige que l'on s'abandonne à la vérité. La vérité ? Tout n'est pas la somme de l'impersonnel, du temps et du hasard. Il y a un Dieu infini et personnel, Créateur de l'univers, le continuum espace-temps. Ce point de vue marque le point de départ de la science moderne.

Il faut accepter le Christ comme Sauveur et Seigneur et vivre en conformité avec la révélation divine: on y trouve la morale, les valeurs, la signification – y compris la signification de l'homme! On n'est pas dans le domaine des moyennes statistiques, de l'utilitarisme, d'un saut hors du champ de la raison, mais dans celui de la vérité qui donne une unité à toute la connaissance et à toute la vie. Dans ce deuxième terme de l'alternative, les individus trouvent cette base et ils peuvent dès lors marquer la société de leur empreinte. Il n'est pas nécessaire que ces chrétiens constituent la majorité de la population pour que leur influence s'exerce sur le pays.

En l'an 60 de notre ère, un Juif, chrétien qui connaît la pensée grecque et la pensée romaine, écrit une lettre aux croyants de Rome. Il répète en réalité ce qu'il a déjà dit dans un discours à Athènes, à l'Aréopage, là où les sages de la Grèce se réunissent pour discuter, au pied de l'Acropole, au-dessus de l'ancienne place du marché. De nos jours, cet emplacement est marqué par une plaque avec le texte du discours de l'apôtre en grec commun de l'époque. A Athènes, Paul fut interrompu, mais, dans sa lettre aux Romains, il exprime tout ce qu'il a à cœur de dire aux sages de son temps.

Ecoutons l'apôtre. Les points de référence de la vision du monde gréco-romaine constituent des réponses insuffisantes aux questions posées par l'existence de l'univers et son organisation, et par le caractère spécifique de l'être humain. Refusant, écartant la réponse, les hommes attirent sur eux le jugement. «La colère de Dieu se révèle du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui retiennent injustement la vérité captive, car ce qu'on peut connaître de Dieu est manifeste pour eux, Dieu le leur ayant fait connaître. En effet, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l'œil, depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages. Ils sont donc inexcusables...»

L'univers, sa structure, le caractère unique de l'homme proclament cette grande vérité biblique. Au temps des réformateurs, la foi en l'existence du Dieu qui n'est pas resté silencieux mais qui a parlé aux hommes, dans la Bible et par le Christ, était le point de départ du retour au christianisme biblique. Ce message proclamait la possibilité pour les hommes de revenir à Dieu en s'appuyant uniquement sur la mort du Christ. C'est sur le fondement de ce christianisme biblique que furent édifiées, entre autres, les notions de l'ordre et de la liberté dans les domaines social et culturel.

De grandes libertés, mais, grâce aux normes de l'Ecriture sainte, des libertés qui n'ont pas dérivé vers le chaos. L'avenir n'est pas sans espoir si nous choisissons cette solution. Ou, alors, nous subirons l'ordre imposé.

Comme je l'ai écrit au début du premier chapitre, le comportement des individus est beaucoup plus conforme à leur vision du monde qu'ils ne l'imaginent eux-mêmes. Où est le problème ? Pas dans le domaine externe, mais dans le choix de la vraie vision du monde, celle qui offre aux hommes et aux femmes la vérité de ce qui existe.

A partir de là, il reste à agir en conséquence.


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