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Samoueli

- Madame, Madame! viens voir ce qu'il y a dans la cour!
Par la fenêtre ouverte, Roselyne, femme du médecin missionnaire et maman de la petite Sylvie, aperçoit une petite chose qui bouge dans les mains d'un inconnu.
- Il a sûrement trouvé un petit animal! se dit-elle en allant regarder de plus près. Mais bientôt...
- Oh, non! ce n'est pas possible, s'exclame-t-elle, bouleversée. Attendez, j'appelle vite mon mari!
Cette toute petite chose vivante, c'est un bébé humain, un nouveau-né tout nu, maigre et sale,
Roselyne le prend, et l'enveloppe dans son tablier, tandis que l'inconnu se met à raconter:
- Sa mère est morte en lui donnant la vie. Le père désespéré s'est enfui. Nous ne savons pas où il est. C'était leur premier enfant. Aucune femme ne veut l'allaiter. Alors, depuis trois semaines, on lui donne de l'eau. En venant de Luogobou, tout le long du chemin nous avons pensé le jeter dans un fourré... il va quand même mourir... mais nous avons été retenus de faire ça. Alors, on vous le donne. Il est à vous. S'il vit, ce sera votre enfant!

Les missionnaires se regardent. Il faut prendre une décision immédiate.
- Ecoutez! Nous allons tout faire pour sauver la vie de ce bébé, mais vous, de votre côté, vous devez tout faire pour trouver une femme qui soit d'accord de le garder. Retournez au village, et cherchez bien, partout!

Tandis que le missionnaire se rend au dispensaire pour y choisir quelques médicaments, Roselyne emporte chez elle ce si fragile et précieux petit paquet...
- D'abord un bon bain! Pauvre bébé... sur ton petit crâne, on a collé un emplâtre de boue séchée. Bien sûr! on croyait que ça te protégerait des mauvais esprits. Lavons délicatement... eh oui! voici qu'apparaissent tes cheveux, roussâtres et raides! Tout petit être... je n'ai pas beaucoup d'espoir de te voir vivre. Tu es si misérable. Tu n'as que des os et de la peau! Viens sur la balance... 1 kg 700 à trois semaines, c'est bien peu!
Tout en lui parlant, Roselyne habille ce bébé qu'elle commence déjà à aimer tendrement.
- Une belle chemisette... un lange... des chaussons pour réchauffer tes pieds! Tu es déjà très mignon, comme ça !

Le missionnaire arrive. Dans la bouche minuscule qui cherche de la nourriture, il laisse glisser une goutte de médicament, puis une goutte de jus d'orange coupé d'eau.
Tu sais, chéri, dit Roselyne, il faudra qu'on lui donne un nom. On pourrait l'appeler Samuel! Et pour prononcer un peu comme en goumantché, on dirait "Samouéli"!
D'accord! et si ce petit homme vit, qu'il soit précieux pour Dieu, un peu comme l'a été le jeune Samuel de la Bible!

Quelques jours passent. Samouéli boit avidement son biberon de lait, puis Roselyne le recouche dans un joli berceau rose et propre: celui de Sylvie quand elle était bébé. Mais Samouéli se remet à pleurer. Ca lui arrive souvent, le jour comme la nuit. Il doit avoir mal au ventre. Le coeur de Sylvie se serre quand elle l'entend. Alors elle pleure à son tour!

Enfin, les hommes de Luogobou reviennent. Mais leurs recherches ont été vaines: personne n'est d'accord de prendre le bébé. On a bien trop peur. Peur de quoi? Vous allez vite comprendre: chez le peuple gourmantsché, on croit qu'il est très dangereux d'adopter un enfant. A la place du petit qu'on a voulu sauver, on pense que le mauvais esprit fera mourir le propre fils de la famille!


- Alors, venez avec moi! dit le missionnaire. Allons chez le chef du village. Devant lui, vous direz que vous nous donnez cet enfant, et que vous ne le réclamerez plus jamais.
- D'accord, merci, allons-y!

Les semaines s'écoulent. Samouéli se fortifie. Il grossit, pleure moins, commence même à sourire.
- Seigneur! prient ses nouveaux parents, Samouéli aurait besoin d'une maman africaine. Seule une chrétienne pourrait adopter ce petit. Mets ce désir dans le coeur de celle que tu choisis pour cela, et qu'elle n'ait pas peur, malgré tout ce que les gens pourront lui dire!

Un jour, Matha s'offre pour prendre Samouéli. Veuve, mère de deux enfants, elle est chrétienne. Elle ne craint pas la vengeance du mauvis esprit. Elle sait que Jésus est plus fort que les puissances du mal.
Samouéli a quatre mois, maintenant. Il est en pleine santé. Matha se réjouit de l'avoir dans son foyer.
Un matin, elle vient chez les missionnaires. Alors, patiemment, Roselyne lui explique comment préparer un biberon.
Consciencieusement, Matha répète plusieurs fois l'opération... Quand elle est sûre de son affaire, elle déroule son grand pagne, s'incline en avant, couche l'enfant à plat ventre sur son dos luisant. Puis, d'une passe habile, elle enroule à nouveau la longue étoffe autour d'elle, ne laissant apparaître que la tête de l'enfant.

Matha est prête. Sur la table se trouve une vaste cuvette remplie de trésors pour Samouéli, des habits, du lait en poudre. Matha la prend et, d'un geste gracieux, la dépose sur sa tête qu'elle tient bien droite en s'en allant, heureuse.

Longtemps, Roselyne les regarde s'éloigner. Son coeur se serre en voyant la petite tête brune qui dodeline au soleil...
- Tu auras la vie dure, mon petit enfant chéri. Que Dieu te garde!


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