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6 - Aracy doit partir

- Emokõ pohã! Tu dois avaler ça! a-t-on répété bien souvent à la petite Aracy, couchée dans le hamac.

Elle fait des efforts. Elle voudrait tant guérir. Mais les remèdes du pa'i (sorcier) restent sans effet. Aracy est encore plus faible, à présent.

Un matin, le pa'i se montre à l'entrée de la maloca. Il vient vers l'enfant.
- Akwera porã-ma ave! Je vais déjà un peu mieux! s'empresse de dire la petite pour qu'on la laisse tranquille. Et ce n'est pas Joanna qui aurait le courage de contredire sa sœur. Alors le sorcier s'en va, avec son bouquet de plumes et son bâton.

Lentement, les jours passent. Mais quand le père de famille, la tante ou des voisins questionnent Joanna pour avoir des nouvelles, la fillette secoue toujours tristement la tête. Non, ça ne va pas mieux!

Près du ruisseau où Joanna puise de l'eau, un Indien finit par dire à haute voix des mots que personne n'a encore osé prononcer:
Ikatu-ta omano! Elle va peut-être mourir!

Le père de la petite est triste et silencieux. Mais un autre Indien lui suggère encore quelque chose:
- Nhande ja'ry ê mombe' uha!

Quoi? Qu'a-t-il dit ?

"Il faudrait chercher l'homme qui apporte la parole du grand Dieu!" C'est d'un missionnaire qu'il s'agit.

Bientôt, deux jeunes Indiens s'enfoncent dans l'épaisse forêt. Ils vont marcher deux bonnes heures, jusqu'au prochain village. Là, ils parleront d'Aracy à l'étranger…

Quelques heures plus tard, le missionnaire apporte des médicaments. Mais, voyant l'état de l'enfant, il prend le père un peu à part dans la maloca:
- Il faut faire quelque chose, explique-t-il, mais pas ici! Moi, je ne suis pas médecin. Dans un hôpital assez éloigné, j'ai des amis qui sauraient comment soigner cette petite. Il faut que j'emmène Aracy. C'est sa dernière chance…

Hélas! si la petite malade est faible, elle n'est pas sourde! Elle a tout entendu, et elle a tout compris!

Assis près d'une poutre, tournant le dos à l'enfant, le père, la tante et Joanna discutent avec l'étranger. Ils parlent d'un long voyage…

Sans bruit, Aracy glisse hors de son hamac, sort de la maloca, et tente de s'enfuir. Elle aimerait bien courir, mais ses jambes ne veulent pas! Et déjà derrière elle on prononce son nom. Déjà quelqu'un approche. On va la rattraper…

Alors s'agrippant à un arbre, la petite Indienne fond en larmes.
- Xe ndaha-sei co'a gwi! Je ne veux pas partir! dit-elle en sanglotant.

Elle appelle au secours une mère qui n'est plus là. Ah! Si ce tronc solide pouvait la cacher, la protéger, la défendre…

Le missionnaire a pitié de cette pauvre petite. Mais il faut agir, on ne doit pas attendre! Avec amour même si elle se débat, il prend Aracy dans ses bras, et vient la déposer… sur les genoux d'une Indienne inconnue, dans une étrange maisonnette de fer que l'enfant n'a jamais vue là, au milieu du chemin.

Aracy regarde autour d'elle comme une bête traquée. D'un geste son père la rassure. Mais bientôt… pourquoi l'étranger vient-il s'asseoir là, juste devant elle, en lui tournant le dos? Il fait un mouvement, et soudain se produit une chose terrifiante.
La petite "maison" fait un bruit épouvantable qui ne s'arrête plus! Puis il y a une secousse, et tous les arbres bougent, la maloca aussi! Même Joanna et son père se déplacent en faisant des signes de la main…

Araacy est dans une jeep. Le moteur et le véhicule se sont mis en marche. C'est tout. Mais pour une petite Indienne de quatre ans qui n'a jamais vu de voiture, quelle panique! Elle hurle de frayeur, se croyant dans le ventre d'un énorme animal qui crie en galopant! Après six kilomètres, la jeep s'arrête. On arrive chez le missionnaire. On y passera la nuit…

Mais le voyage reprend très tôt le lendemain matin: trois cents kilomètres de piste cahoteuse! Fatiguée de pleurer, Aracy se retourne et regarde par la fenêtre. Derrière la jeep, la piste, long ruban de terre rouge, s'enfuit entre les hautes herbes. L'enfant se pose des questions. A-t-elle quitté son village pour toujours? Vers quel autre monde s'en va-t-elle, avec ces inconnus? Alors les pleurs reprennent… Finalement, épuisée par les sanglots, les secousses et le bruit, Aracy sombre dans un lourd sommeil. Le missionnaire en est bien content:
- Tant mieux! Le voyage lui paraîtra moins long! Mais après, à l'autre bout de la piste, comment la petite malade va-t-elle réagir?

Texte: Samuel Grandjean


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